DÉCLARATION COMMUNE DES BUREAUX NATIONAUX DE JRS (Jesuit refugee service) en europe :
Ce mercredi 10 avril, le Parlement européen s’apprête à voter définitivement le nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile. Si ce Pacte est approuvé et mis en œuvre, il augmentera la détention arbitraire et compliquera les procédures d’accès à la protection, sans garantir l’accès à l’assistance juridique.
« Nous réitérons notre opposition à ce Pacte – déclarent conjointement les directeurs et directrices des différents bureaux nationaux de JRS en Europe – Nous ne pouvons pas soutenir un système qui permettra la détention systématique de milliers de personnes, y compris des enfants, aux frontières extérieures de l’Union européenne. La législation proposée augmentera de façon exponentielle la souffrance des personnes, sans offrir de véritables solutions aux lacunes du système actuel. Nous exhortons une nouvelle fois le Parlement européen à rejeter ce Pacte« .
La mise en œuvre du Pacte, tel qu’actuellement proposé, présentera des défis juridiques et opérationnels considérables. JRS est particulièrement préoccupé par le risque de détention arbitraire et systématique. Les procédures de filtrage aux frontières sont conçues pour limiter la liberté de mouvement des personnes ; elles doivent toujours rester une mesure de dernier recours.
En outre, la décision de placer une personne en détention doit toujours être évaluée individuellement et n’être envisagée que si aucune autre mesure moins coercitive n’est possible. Les autorités publiques doivent également toujours évaluer si l’utilisation d’une telle mesure préjudiciable est proportionnelle à l’objectif poursuivi. Si le Pacte est approuvé, il doit être clairement indiqué comment les États membres s’assureront de la mise en œuvre effective de ces garanties.
Une autre raison de s’inquiéter : les personnes exilées se retrouveront dans des procédures très complexes, souvent placées en rétention, sans assistance juridique appropriée. Le Pacte ne garantit qu’un « conseil juridique » dans la première phase de la procédure d’asile. Ce n’est pas la même chose que de bénéficier du recours à un avocat.
En se fondant sur son expérience dans l’accompagnement et la visite des personnes exilées maintenues en rétention, JRS affirme que la présence d’un avocat qualifié est absolument cruciale pour garantir le respect des droits. Cependant, dans les faits, peu de personnes ont accès à un avocat. Le Pacte, s’il est approuvé, ne fera qu’aggraver cette situation. Il doit donc, a minima, être garanti que les personnes détenues aux frontières puissent effectivement recevoir la visite d’avocats et de représentants de la société civile.
Enfin, JRS redoute que le « mécanisme de solidarité » prévu dans le Pacte ne soit pas suffisant pour garantir l’engagement de tous les États membres de l’UE à partager la responsabilité de la protection des personnes exilées.
Les premiers pays d’entrée dans l’UE resteront les principaux responsables de l’examen des demandes d’asile. Le Pacte ne prévoit aucune obligation et peu d’incitations pour les autres États membres (qui ne se trouvent pas aux portes de l’Europe) à relocaliser chez eux les demandeurs d’asile.
En outre, avec ce Pacte, la solidarité peut également s’exprimer par des contributions financières aux pays tiers. Ceci s’inscrit dans la tendance inquiétante qui consiste à conclure des accords avec des pays dont le bilan en matière de droits humains est très douteux, pour in fine réduire le nombre d’arrivées en Europe. Le Pacte doit encourager la relocalisation comme mesure de solidarité et, a minima, spécifier des règles, des modalités et des mécanismes de responsabilité clairs concernant les contributions de chaque pays tiers.
Il s’agit du dernier appel à l’Union européenne pour qu’elle requestionne ses principes et ses valeurs, et rejette cette réforme.
« Si toutefois le Pacte est finalement approuvé, le JRS restera aux côtés des personnes déplacées de force, s’efforcera d’atténuer les pratiques néfastes sur le terrain grâce à nos services et à notre accompagnement, et continuera à plaider en faveur d’un régime d’asile européen commun digne de ce nom » déclarent unanimement les directeurs et directrices des JRS en Europe.
Signataires :
Le réseau JRS Europe est constitué de JRS Autriche, JRS Belgique, JRS France, JRS Allemagne, JRS Grèce, JRS Hongrie, JRS Irlande, JRS Italie, JRS Luxembourg, JRS Malte, JRS Pologne, JRS Portugal, JRS Roumanie, JRS Slovénie, JRS Europe du Sud-Est (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine, Serbie), JRS Espagne, JRS Suisse, JRS Royaume-Uni, JRS Ukraine et le bureau régional situé à Bruxelles.