Tu te souviens Marie,
du petit matin où il fallut partir si vite
parce qu’ils voulaient tuer l’enfant ?
Tu te souviens qu’on ne savait que prendre
et que faire du chat
et que l’enfant pleurait ?
Tu te souviens de la couleur du pays
quand on se retourne un instant
pour regarder le bonheur
qu’on laisse pour toujours ?
Tu te souviens de la faim, de la soif,
des yeux que la peur agrandit
quand on craint d’être poursuivi ?
Tu te souviens Marie ?
Oh ! Oui, on ne l’oublie jamais
la première nuit dans le désert,
la forêt qui bruisse à l’approche de la frontière,
les rouleaux de barbelés.
Tu te souviens des enfants morts
sur les bateaux de la détresse,
et ce que l’on a fait aux femmes
et des maris noyés ?
Tu connais toutes ces mères
des camps d’Afrique, des camps d’Asie,
des bidonvilles d’Amérique,
des prisons et des goulags.
Tout le monde n’a pas un âne pour partir
et le solide Joseph.
Tu sais l’odeur des aéroports, Marie,
et le goût qui emplit la bouche
quand les policiers s’avancent
et ferment la porte du ciel ?
Marie, petite fuyarde,
tu es toujours avec les déportés,
les expulsés, les déplacés, les indésirables,
et tu poses parmi les baluchons,
le petit que traque la violence,
Dieu.
Texte de Gilles Bessière
Notre Dame des déportés et demandeurs d’asile