Accueil et aides aux réfugiés et migrants : comment accompagner l’élan de générosité ?
Note complémentaire
Au message commun du Secours Catholique – Caritas France, du Service Jésuite des Réfugiés (JRS France) et de la Pastorale des Migrants à leurs réseaux respectifs
L’Europe traverse une situation inédite avec l’arrivée significative de réfugiés. Après l’émotion soulevée par les drames répétés et les images d’une sorte d’exode, la Commission européenne et les Etats membres de l’UE tentent difficilement d’élaborer une réponse d’ensemble. La France, de son côté, a annoncé début septembre qu’elle soutient le plan de la Commission européenne et qu’elle y répondrait en accueillant sur son sol 24 000 demandeurs d’asile déjà arrivés dans les premiers pays d’accueil : Italie et Grèce principalement.
Pour réaliser cette opération de « relocalisation » – c’est le terme employé dans le plan de la Commission européenne – un dispositif national spécifique se construit donc pour accueillir ces demandeurs d’asile en France. L’Etat, les collectivités territoriales, les associations sont appelés à participer.
Dans le même temps, un élan de solidarité important s’est développé dans la société civile, et particulièrement au sein des communautés chrétiennes, invitées et encouragées en cela par les appels du pape François.
Des milliers de personnes sollicitent nos mouvements pour proposer aides, dons, accompagnements, hébergements. Comment accompagner cet élan de solidarité et d’accueil pour qu’il soit le plus utile possible, pour qu’il puisse se transformer en acte durable et participer ainsi au développement d’une société juste et fraternelle ?
En urgence, une première note commune a été diffusée le 10 septembre de concert avec la Pastorale des Migrants et JRS-France.
Les éléments ci-dessous ont pour but de compléter cette note en apportant conseils, repères et outils complémentaires.
Resituer les choses : accueillir, sans opposer les publics
Il y a ceux qui arrivent, ceux qui étaient déjà là, et ceux qui ont toujours été là.
Une nécessité : accueillir, sans opposer les pauvres et les précaires entre eux !
Il convient en premier lieu de resituer cet accueil de réfugiés dans son contexte. Car si l’élan de générosité qui se manifeste est réjouissant, il ne doit pas faire oublier tous les réfugiés et migrants déjà présents sur le territoire français, ni toutes les autres personnes en situation de précarité, qu’elles soient françaises ou étrangères, et qui constatent toutes avec étonnement – ou avec amertume – que des places d’hébergement apparaissent subitement (Cf : l’annonce d’ADOMA évoquant 20 000 places de libres).
Or les discours tenus par les responsables politiques ou par la presse laissent poindre un risque réel pour le « Vivre ensemble » : celui d’opposer les « bons » réfugiés aux mauvais « migrants économiques», les « français déjà en grande difficulté » aux demandeurs d’asile, etc.
Il nous faut rester vigilant et résister à cette mise en concurrence des pauvres et des précaires entre eux ! En restant fidèle à notre ligne de conduite : s’il est nécessaire de bien distinguer la situation et donc les besoins des uns et des autres, il convient de garder l’exigence d’une même attention au respect de la dignité et des droits fondamentaux de toute personne, qu’elle soit française ou étrangère, migrant ou réfugié, avec ou sans-papier.
Soyons attentifs à cela dans la mise en œuvre des actions d’accueil et d’hospitalité des réfugiés qui arrivent.
Cette note évoque ci-après les principales actions de nos mouvements, en fonction des dispositifs publics, de la situation et donc des besoins de personnes migrantes et réfugiées. Elle propose de penser l’accueil et l’hospitalité pour toutes les personnes en précarité, qu’elles que soient leur statut, en adaptant les formes de l’accompagnement aux besoins identifiés.
Les formes de l’accompagnement pour les 30 000 « demandeurs d’asile relocalisés »
Un accueil progressif :
L’accueil des 24 000 réfugiés annoncé par le Gouvernement va se mettre en œuvre dans les mois à venir. Il s’ajoute à l’engagement d’accueil de 6700 autres réfugiés « relocalisés » annoncé par la France lors du sommet européen du mois de juin. Sur ces 30 000 personnes, fin septembre, seules quelques centaines ont effectivement été « relocalisées » en France, dans des centres d’accueil – ou centres de transit – en région parisienne.
Un plan d’ensemble a été présenté le 12 septembre aux maires invités par le ministère de l’Intérieur, puis par le Premier ministre le 16 septembre à l’Assemblée nationale (voir sur le site du ministère de l’Intérieur le dossier réalisé pour les maires).
Que faut-il en retenir ?
a – Le premier accueil immédiat : Les réfugiés accueillis par la France (« relocalisés » pour reprendre les termes) seront d’abord accueillis dans des centres d’hébergement – des centres de transit dans l’immédiat, puis des CADA – pour une durée de quelques semaines (le ministère évoque une durée moyenne de 4 mois) le temps que soit examinée leur demande d’asile. Ces personnes ayant été préalablement entendues dans le premier pays d’accueil – aujourd’hui en l’Allemagne, demain dans les « Hotspots » -, il est probable que l’immense majorité d’entre elles obtiendront une protection (statut de réfugié ou protection subsidiaire).
L’Etat, en s’appuyant sur les collectivités territoriales pour identifier les lieux d’hébergement, prend en charge cet accueil, coordonné localement par le préfet, et délégué à des opérateurs (Croix Rouge, Adoma, etc.)
Pour ce public, et dans cette phase, les offres d’hébergement faites par les particuliers et les bénévoles ne semblent pas a priori nécessaires. Nos réseaux seront en revanche utiles pour un accompagnement humain et chaleureux, pour créer du lien et aider aux premiers pas dans la vie en France, etc.
b – La phase d’insertion : Une fois en possession du statut de réfugié et du titre de séjour correspondant, ces personnes se verront proposer un logement plus pérenne, probablement dans les villes qui se seront portées volontaires pour mettre à disposition des logements sociaux. Différentes formules sont évoquées : l’accès direct dans le logement social ; l’hébergement dans le logement social ; l’intermédiation locative ; les résidences sociales. Le délai nécessaire à ce relogement, et la nature de l’accompagnement social qui sera proposé, restent encore incertains. Le coordinateur national nommé par le Ministre, M. Kléber Arhoul, devra préciser ces éléments dans les semaines à venir.
Pour cette phase, plusieurs formes d’aides et d’accompagnement peuvent s’avérer complémentaires :
(Elles seront à adapter selon la nature et l’ampleur du dispositif d’accompagnement social que les pouvoirs publics -DDCS et collectivités territoriales- décideront)
Logement : des logements vacants pourront être proposés par des particuliers pour les réfugiés, de façon plus ou moins pérenne. A priori, cette offre de logement devra se concrétiser via une association spécialisée, et en lien étroit avec la plateforme qu’animera le coordonnateur départemental que devrait nommer M. Kléber Arhoul. Cette plateforme devrait rassembler les services de l’Etat, les collectivités locales, les opérateurs, les associations.
Insertion : un accompagnement conséquent sera également utile pour l’aide à l’insertion dans la société. Apprentissage du français, scolarisation des enfants, découverte de la vie en France, accompagnement vers l’emploi, ouvertures des droits, etc. On ne sait, à ce jour, les actions qui seront déployées par les services sociaux. Le soutien des associations du champ social sera sans nul doute utile.
Lien social et rencontres : déracinés et encore fragilisés par leur périple, les réfugiés auront besoin d’un accompagnement humain chaleureux. Nos mouvements, et les réseaux d’Eglise, peuvent prendre toutes initiatives pour aller à la rencontre de ces réfugiés, pour créer du lien, pour que se rencontrent et se connaissent les personnes, quelques soient leurs origines, leurs croyances, leur condition sociale.
Les formes de l’accompagnement pour les autres migrants, demandeurs d’asile, réfugiés ou déboutés
L’accueil et l’accompagnement des réfugiés relocalisés et accueillis par la France s’ajoute à l’action de soutien et d’aide à l’accès aux droits développés par le réseau auprès des autres demandeurs d’asile et réfugiés.
Pour mieux discerner les différentes formes que prend cet accompagnement, un tableau synthétique identifie (voir page suivante), selon le statut des personnes qui ont demandé l’asile, la prise en charge que doivent assurer les pouvoirs publics, et l’apport spécifique auquel le Secours Catholique et ses partenaires peuvent contribuer.
Demandeurs d’asile, en cours de procédure, arrivés en France par leurs propres moyens :
L’Etat, théoriquement, se doit de prendre en charge l’hébergement, l’accompagnement administratif et les droits sociaux immédiats. Les insuffisances du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile sont malheureusement importants, et plus de la moitié des demandeurs d’asile ne sont pas hébergés. La réforme législative sur l’asile devrait produire des effets d’ici quelques mois (accélération des procédures, création de 10 à 15 000 places d’hébergement supplémentaires). Dans l’immédiat, les formes que l’accompagnement peut prendre sont variées :
Les formes de l’accompagnement à moduler selon que les personnes sont ou non prises en charge :
Hébergement : Les offres d’hébergement provisoire par des particuliers ou des communautés sont possibles. A cet effet, le dispositif Welcome en France est un exemple intéressant. Il exige cependant une très forte structuration et un soutien associatif compétent et réactif.
Accompagnement et accès aux droits : Il s’agit de l’accompagnement administratif et social habituel des demandeurs d’asile (aides au dossier OFPRA/CNDA et à la procédure, accès aux droits sociaux, etc.)
Accompagnement fraternel et création de liens : Il s’agit là de toutes les formes d’accompagnement pour favoriser la rencontre, l’échanges, la convivialité.
Accompagnement vers l’insertion : Apprentissage du français, soutien à la scolarisation, accompagnement vers l’emploi, sorties culturelles, etc.
Réfugiés reconnus avec statut de réfugié ou protection subsidiaire
L’accompagnement à l’insertion des réfugiés est quasi inexistant depuis la disparition progressive des CPH (centres provisoires d’hébergement). La crise du logement social aggrave encore les difficultés que rencontrent les personnes à accéder au droit commun, à une autonomie et une vie sociale normale.
Les formes de l’accompagnement
Logement : Les associations et les particuliers peuvent participer à l’accès à un logement par le biais de l’hébergement social (l’association remplit le rôle d’intermédiaire entre le bailleur social et la famille) ou par la mise à dispositions de logements vacants dans le cadre du dispositif Solibail (intermédiation locative).
Accompagnement fraternel et création de liens : Il s’agit là de toutes les formes d’accompagnement pour favoriser la rencontre, l’échanges, la convivialité.
Accompagnement vers l’insertion : Apprentissage du français, soutien à la scolarisation, accompagnement vers l’emploi, sorties culturelles, etc.
Les sans-papiers et les déboutés, (et les personnes « exilés en transit » qui n’ont pas demandé l’asile).
Les conditions de vie se durcissent pour les déboutés du droit d’asile devenus des sans-papiers. Outre la volonté sans cesse réitérée de procéder à leur reconduite à la frontière, les pouvoirs publics tendent, par la réglementation ou par la pratique, à leur retirer petit à petit le peu de droits qui leur sont reconnus. Ainsi l’hébergement inconditionnel, renié de fait par l’absence de places dans le dispositif d’urgence, ou encore le droit à une adresse (faiblesse des offres de domiciliation), le droit à la santé (risque sur l’AME, Aide Médicale d’Etat), etc.
Les formes de l’accompagnement
Elles sont parmi les plus délicates, et pourtant les plus nécessaires, à mettre en œuvre. Pour aider le réseau à discerner les questions qui se posent, une note d’ensemble sur l’accompagnement des déboutés réalisée par le chantier Migrants est disponible sur l’Intranet du Secours Catholique. Elle est encore en évolution. Un séminaire national de travail abordera spécifiquement ce sujet les 11 et 12 mars 2016, avec les délégations et les correspondants en Eglise déjà engagés sur ces actions, afin d’affiner les repères, outils et conseils.