Je suis arrivée en France le 8 novembre 2021.
Ma vie en Afghanistan me plaisait beaucoup. J’étais à l’Université, j’étudiais les sciences politiques et j’avais créé mon journal appelé « Weakly magazine » avec d’autres femmes de ma promo. C’était le premier, et le seul journal, spécialisé dans les difficultés et les challenges que rencontrait l’Afghanistan. On parlait beaucoup de sujets politiques, ce qui a engendré de nombreux messages de haine, de menaces, de la part de personnes qui nous accusaient d’essayer de détruire la culture afghane.
À la fin de mes études, je travaillais pour une ONG suédoise, appelée « Swedish comitee for Afghanistan ». Dans un même temps, je travaillais avec une ONG allemande, sur les questions d’égalité de genre, de justice sociale et de démocratie.
Toutes mes activités étaient liées aux droits de l’Homme. Lors de la prise du pouvoir par les Talibans, je pensais naïvement qu’ils avaient changé. J’ai donc refusé la proposition de visa de la part des organismes pour lesquels je travaillais, car je comptais rester dans mon pays et travailler pour que la situation évolue.
Après une semaine, j’ai réussi à sortir de chez moi. Il n’y avait que des hommes dans la rue, tout le monde me regardait bizarrement, car ce n’était plus acceptable qu’une femme soit dehors.
J’ai accepté que les ONG et mes amis me mettent sur la liste pour partir, mais je n’ai pas pu aller à l’aéroport, je suis arrivée trop tard. Je suis donc resté à Kaboul pendant 4 mois. Je n’étais pas autorisée à aller au bureau, donc je travaillais de la maison. De toute façon, le dispositif de sécurité de l’ONG pour laquelle je travaillais avait fortement encouragé de rester à la maison et de travailler à distance. C’était compliqué de sortir, compliqué d’aller dans les pays voisins, je me sentais coincée.
J’ai un ami, avec qui je travaillais, qui avait un ami qui était proche de l’ambassadeur du Pakistan. Cela m’a permis d’obtenir mon visa.
J’ai attendu l’ouverture des frontières pendant deux jours. C’était un véritable parcours risqué car je devais me rendre seule aux frontières, totalement couverte car j’étais effrayée de croiser des Talibans. Je suis restée deux semaines au Pakistan, et j’ai obtenu un visa pour la France. Je suis arrivée sur le territoire français le 8 novembre 2021. J’étais heureuse, car je savais que je ne pouvais rester en Afghanistan, mais je me sentais aussi très triste car j’ai tout laissé derrière moi : ma famille, ma culture, mon pays, mon travail.
Quand je suis arrivée en France, j’étais très surprise de voir que les personnes ici avaient accès à des droits basiques, pour lesquels je me battais en Afghanistan, notamment sur les droits des femmes. L’exemple le plus marquant, c’est la possibilité de porter les vêtements que l’on veut porter. Cela peut paraitre basique, mais pour moi ça ne l’est pas. C’est un monde totalement différent.
Avant, je voyais mon avenir en Afghanistan, je voulais m’engager politiquement.
Maintenant, je dois tout recommencer à zéro, apprendre une nouvelle langue, m’intégrer à une autre culture.
J’aimerais, avec le temps, devenir beaucoup plus indépendante. Je voudrais travailler. J’ai été embauchée en tant que service civique dans une association appelée Madeera, qui aide les réfugiés à trouver un travail, cela me permettait d’améliorer mon anglais.
Au début, j’essayais de ne pas me mélanger aux personnes afghanes, j’avais besoin de conserver une distance avec les personnes de ma communauté. J’étais épuisée, épuisée par tout ce que j’avais vécu, je n’avais pas un bon souvenir de ce que j’avais vécu. Mais finalement, je me suis rendu compte que j’en avais besoin, que c’était une partie de mon identité et que c’était important pour moi d’aider les personnes réfugiées.
Actuellement, je travaille auprès d’une association française qui vient en aide aux réfugiés. Je ne sais pas si je vais continuer mes études dans ce domaine, car je suis très intéressée par la mode. Je songe de plus en plus à ouvrir mon commerce.
Pendant longtemps, mentalement, psychologiquement ça n’allait pas, je me sentais perdue et je pensais sans cesse à mon passé au lieu de me concentrer sur mon futur.
J’avais une forte douleur au niveau de mon cœur, car j’avais l’impression que personne ne pouvait me comprendre ni m’aider.
J’ai décidé de prendre les choses en main, j’ai commencé à penser à mon avenir plus sérieusement et j’ai décidé d’oublier tout ce qui concernait mon passé. J’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai décidé de mettre toute mon énergie pour construire mon avenir.