Mohamed Saleh : un parcours du combattant pour être utile

Mon parcours en bref

  1. Arrivée en France en 2016
  2. Reconnaissance du statut de réfugié en 2018
  3. Stage d’observation dans les CHU à Limoges
  4. Autorisation d’exercice dans un CHU du Nord de la France an attendant de passer les EVC
  5. Cours de français au centre de langue de Rouen
  6. Opportunité de travail en Guyane via une Autorisation temporaire d’exercice

Le saviez-vous ? 

Les épreuves de vérification des connaissances (EVC) sont la première étape de la procédure d’autorisation d’exercice pour les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un état non membre de l’Union européenne ou ne faisant pas partie de l’accord sur l’Espace économique européen.

Mon histoire

Mohamed Saleh, originaire de la Libye, arrivé en France en 2016, praticien associé au sein d’un CHU dans le Nord de la France.

Je suis un réfugié libyen depuis 2018 et je suis arrivé en France en 2016. J’ai effectué mes études de médecine en Libye, dont le système universitaire s’approche plus du système anglosaxon que français. J’ai ensuite exercé un an en tant qu’interne avant de devenir médecin spécialisé. J’ai travaillé à l’hôpital Abu Salim à l’arrivée du printemps arabe en Libye. En voyant dans les médias le nombre de blessés, j’ai souhaité apporter mon aide aux civils touchés par les combats. C’est cette implication qui m’a coûté deux ans de ma vie. 

J’ai été accusé d’être pro-Khadafi par la milice en place. J’ai été emprisonné dans la ville d’Al Zawiah. Mon accusation repose sur l’aide que j’ai souhaité apporter aux personnes sans considération de leurs opinions politiques. 

Ce passage en prison m’a beaucoup affecté, sur le plan moral. J’ai perdu deux ans de ma vie pour une injustice. De plus, pendant deux ans, ma carrière a été mise à l’arrêt. 

Je suis sorti de prison en 2014. Mon premier réflexe a été d’aller voir ma famille, puis mes collègues de travail à l’hôpital. 

Je n’ai malheureusement pas pu reprendre mon poste une fois sorti de prison, car l’hôpital craignait les menaces des milices. J’ai donc travaillé gratuitement pendant plusieurs mois. 

Dès ma sortie de prison j’ai été menacé de nombreuses fois par la milice. Soit je donnais une rançon, soit je retournais en prison, avec le risque cette fois, d’y mourir. 

Sans cesse menacé, je ne pouvais plus vivre en sécurité en Libye. J’ai donc pris la décision de quitter mon pays et de traverser la mer Méditerranée malgré la peur de mourir. 

Une fois arrivé en Sicile, je n’ai pas perdu de temps, je souhaitais rejoindre la France le plus rapidement possible. J’avais de nombreuses fois entendu que la France était le pays où les droits de l’Homme étaient respectés. 

De plus, je connaissais un ami également réfugié, qui avait réussi à rejoindre Rouen. Mon périple jusque Rouen a duré 13 jours. Motivé malgré la fatigue mais rempli d’espoir, je n’avais plus de temps à perdre.

Dès mon premier jour, j’ai directement contacté les associations, les organismes que je pensais en capacité de m’aider à reconstruire mon rêve brisé en Libye. 

Dans un même temps, j’ai déposé ma demande d’asile afin d’être en règle au niveau de la législation française. Une fois l’asile obtenu, aucune information ne m’a été donnée concernant les démarches possibles pour exercer en tant que médecin en France. Je savais que les procédures étaient plus simples dans les pays voisins, comme l’Allemagne, mais j’ai toujours souhaité rester en France. Ce pays m’a accueilli, je voulais tout faire pour m’y intégrer. 

J’ai contacté de nombreuses fois l’ARS mais sans succès, ils m’ont dit qu’il ne pouvait rien faire pour moi. De 2016 à 2020, je n’ai pas pu travailler dans mon domaine. Cette période était très difficile à supporter. C’était d’autant plus frustrant car je savais que pendant la crise sanitaire, la France manquait de personnel médical. 

Ce que j’ai toujours voulu c’est travailler, afin d’être utile à la société française. J’ai bataillé pour obtenir des cours de français au sein d’un centre de langue à Rouen. Au début il n’y avait aucune place. J’ai insisté tous les jours pour au moins assister à des cours en tant qu’auditeur libre. J’ai réussi à obtenir une place grâce à un désistement. Les cours de français sont très difficiles à trouver. Il manque beaucoup de places, les centres de langue et les associations sont débordés. J’ai vraiment eu beaucoup de chance. 

J’ai quitté Rouen pour Limoges pour effectuer un stage d’observation, avant de m’envoler pour la Guyane, par le biais d’une autorisation temporaire d’exercice d’un an accordée par l’ARS de Paris. Durant cette expérience, il m’a été reproché mon manque d’autonomie. Il me semble important de rappeler que l’organisation du système médical français est différent de ce que j’ai pu connaitre. Un temps d’adaptation est nécessaire, ainsi qu’un accompagnement de la part du praticien. 

En attendant, j’ai souhaité m’inscrire pour passer les épreuves de validation des connaissances. Toutefois, le traitement de mon dossier était extrêmement long. Une fois de retour de Guyane, j’avais peur de perdre la main et de perdre tout ce que j’avais appris. J’ai donc, pour améliorer ma formation, enchaîné les stages d’observation. 

Aujourd’hui, j’exerce auprès d’un CHU situé dans le Nord de la France. Je prépare dans un même temps les EVC afin de pouvoir m’inscrire à l’ordre des médecins et travailler de manière plus durable, sans attendre des autorisations d’exercice temporaires.

Ce qui m'a aidé

Les obstacles

Prendre contact avec des associations : Ils ont pu me conseiller, m’orienter, et m’ont bien accueilli

Avoir la possibilité de suivre des cours de français : Même si cela à été compliqué, apprendre la langue du pays est fondamental pour réussir son intégration.

Une rencontre professionnelle, qui m’a particulièrement aidé : un médecin français l’a redonné espoir, m’a épaulé et avec lui j’ai beaucoup appris. 

Le manque de connaissance au niveau de l’administration et de ses démarches 

L’obstacle majeur, c’est la langue

L’absence de reconnaissance du diplôme et la précarité de l’autorisation d’exercice 

La perte de temps entre la décision de l’OPFRA (reconnaissance du statut de réfugié) et la possibilitée de recherche d’emploi

Le manque de formation adaptée, nottament de cours de français médical

Ce qui doit changer

La mise en place d’une procédure spécifique pour les réfugiés. L’État français y serait gagnant étant donné la main d’oeuvre de réfugiés présente sur le territoire et la pénurie de personnel médical. Les réfugiés en France ont déjà des diplômes et de l’expérience, il suffit juste de leur donner une formation plus courte mais adaptée. 

La création des cours spéciaux : à la fois des cours de français à la fois des cours médicaux axés sur les questions éthiques et juridiques car le système médical français n’est pas le même que dans d’autres pays. 

Proposition d’un système de prêt comme en Angleterre : l’État français engage des fonds pour la formation qui seraient remboursés sur le salaire des médecins réfugiés, comme c’est le cas en Angleterre. 

Une évolution au niveau des mentalités : prendre en compte ce qui a été appris et acquis dans le pays d’origine et accepter la compétence des personnes réfugiées.

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