Marie-Liesse, stagiaire pendant un mois à JRS France, nous livre ses impressions suite à son implication à JRS Jeunes.
GRATUITÉ
La première chose qui me frappe à JRS Jeunes est la gratuité de ce programme. En effet, son objectif premier n’est pas d’être utile d’un point de vue matériel, linguistique, ou administratif. La seule vocation de JRS Jeunes est de créer du lien et de renforcer le potentiel de chacun à travers des activités attirantes. De ce constat certaines personnes pourraient s’étonner, et remettre en cause par conséquent l’intérêt du programme. Je pense qu’on peut répondre à cela plusieurs choses : tout d’abord, il est important, pour les étrangers comme pour nous français, de bénéficier de lieux de gratuité. Des lieux où l’on ne nous demande pas d’être efficient, utiles, compétents, etc. Cela manque cruellement à notre société d’avoir des espaces de « bien-être » plutôt que de « savoir-faire », des espaces où l’on se donne le temps de vivre ensemble. C’est d’autant plus crucial pour des personnes qui viennent de loin, qui ont eu un parcours difficile et qui sont soumises par ailleurs à de nombreuses préoccupations matérielles et affectives.
L’absence de pression, d’enjeu et de stress est un prérequis indispensable à la rencontre. JRS Jeunes permet en effet à des personnes très différentes de tisser des liens et de faire ensemble, sur un pied d’égalité. Les activités proposées sont propices à la complicité et fédèrent les participants. Le fait de ne pas être dans une relation de dépendance (argent, assistance, etc.) permet aux personnes de nouer de réelles amitiés et de se montrer telles qu’elles sont.
Chose assez frappante, JRS Jeunes dispose en fin de compte d’une utilité matérielle et linguistique qui découle de toute cette dynamique. En discutant avec un certain nombre de réfugiés, j’ai de fait constaté qu’à travers les liens qu’ils avaient créés à JRS, de nouvelles portes s’ouvraient pour eux. Avant tout, le fait de rencontrer du monde leur permet d’améliorer considérablement leur français à l’oral. Ensuite, les amitiés qu’il tissent leurs offrent des opportunités en termes de logement, d’accompagnement, d’acquisition d’informations etc. Ce sont des occasions qui ne peuvent exister qu’à partir du moment où une première relation gratuite s’est bâtie. Ce système est bénéfique, car l’aide apportée est légitimée par l’amitié. Ce n’est pas un assistanat difficile à supporter des deux côtés. Par ailleurs, le soutien ne vient pas toujours de la personne française, il est réciproque, suivant les domaines.
DIVERSITÉ
J’ai été émerveillée par la diversité et la richesse des parcours des personnes participant à JRS Jeunes. Les entretiens individuels m’ont permis de mieux en connaître certains et d’en apprendre un peu plus sur leur histoire, leurs motivations, leurs aspirations. Ce travail de compréhension de chaque situation m’a fait éprouver beaucoup d’empathie et d’admiration vis-à-vis de toutes ces personnes. Toute Vie est unique, précieuse et digne d’intérêt. J’ai apprécié le fait d’envisager chacun dans la beauté de sa singularité. Cette diversité vécut à JRS Jeunes est pour moi un critère d’enrichissement personnel et collectif. On ne se sent pas enfermé dans un code culturel ou social. C’est précisément l’objet de mon prochain point.
NON-JUGEMENT
C’est assez rare pour mériter d’être relevé : à JRS Jeunes, je ne me sens pas jugée. Peut-être est-ce dû au fait d’être tous différents, de venir d’horizons divers et variés. Ou au cadre bienveillant posé par le programme. Peut-être est-ce dû à la situation de vulnérabilité dans laquelle sont plongées certaines personnes. En tout cas, JRS Jeunes est un lieu d’authenticité et d’accueil de l’autre. Sans devoir faire mes preuves, je me sens reconnue, membre à part entière d’une communauté et digne d’intérêt. Ce qui se vit dans les activités, les fêtes, les moments informels est l’antonyme même de la mondanité. Dans mes entretiens, beaucoup de personnes m’ont parlé de JRS comme une famille. Or dans une famille, on ne se choisit pas et on se prend comme on est, ce qui est hautement soulageant. De la même manière, on se sent bien à JRS, car on a le droit de ne pas être comme tout le monde. Aucun code ne doit être respecté pour être intégré. L’intégration se fait au contraire par l’apport de notre différence, qui vient ajouter de la valeur au groupe.
RESEAU AMICAL
J’aime à concevoir JRS Jeunes comme une sorte de réseau d’amis. S’engager, ponctuellement ou sur du long terme à JRS, c’est entrer dans un cercle de relations harmonieuses. Nous ne nous connaissons pas tous très bien, et nous développons plus ou moins certaines affinités. Il n’empêche que nous comptons sur ce grand réseau qui nous porte et nous donne un fort sentiment d’appartenance. On retrouve la même intention dans le programme Welcome, qui permet à des demandeurs d’asile d’être hébergés successivement par des familles, sur des périodes de 4 à 6 semaines. Ici, un juste relais est mis en place, afin de permettre à ceux qui s’engagent de se sentir entourés, dans l’aide qu’ils apportent comme dans l’aide qu’ils demandent.
CO-CREATION
A JRS Jeunes, il n’y a pas d’un côté les bénévoles, qui font leur « bonne action », et de l’autre côté les participants, qui sont bénéficiaires. Les projets se montent ensemble. Un bénévole n’est rien de plus qu’un participant qui décide un jour de prendre le relai d’une activité ou d’en proposer une nouvelle. Tout le monde peut être bénévole, y compris ponctuellement, pour une fête ou un événement. L’objectif est que chacun, à un moment donné, puisse apporter aux autres sa richesse et ses talents. Pour chaque activité, on détermine un organisateur et un facilitateur. Ce rôle de facilitateur est très important à mon sens, car il permet à des personnes de jouer un rôle dans une activité, alors même qu’elles ne sont pas expertes dans celle-ci. De plus, le facilitateur donne le « la » de l’activité, en instiguant une atmosphère conviviale et chaleureuse. (Accueil, installation, goûter…) Certains ateliers, à l’instar des cafés-débat, sont alternativement co-organisés, ce qui aboutit à un cocktail unique et remarquable.
POTENTIEL
Si l’assistance matérielle donne des outils nécessaires pour un temps, JRS Jeunes nous donne des outils indispensables pour toute notre vie. Il nous offre l’opportunité de reprendre confiance en nos talents, de les révéler, et d’en faire profiter les autres. Il nous confère des bases humaines solides et salutaire pour la suite de notre parcours. Lorsque l’on est en situation de vulnérabilité, on peut délaisser ce que l’on a été, ce que l’on est, et ce que l’on souhaite devenir. JRS est le lieu de capitalisation et d’expression de nos richesses. Ces ressources ne viennent pas de l’extérieur mais sont en nous, précieuse réalité dont chacun de nous doit répondre. Toute notre Vie, elles nous autoriseront à être confiants, à poser des choix, à nous épanouir en incarnant ce que l’on vaut.
En définitive, la gratuité et la non-rentabilité du programme JRS Jeunes est le point de départ d’un projet porteur de nombreux fruits. C’est par les yeux d’autrui, par un regard ouvert que l’on apprend à se connaître et à s’accorder du prix. J’espère que cette belle intuition pourra perdurer et se développer non seulement à JRS, mais aussi dans tous les espaces collectifs de notre société.
J’ai été ravie de tout ce que j’ai vu, entendu, appris. Je pense que tout homme politique devrait obligatoirement avoir de véritable expérience de rencontre, afin d’humaniser intérieurement les décisions qu’il a à prendre. Avant de traiter n’importe quelle question politique, nous devons nous remémorer qu’il s’agit avant toute chose d’hommes et de femmes. Je ressors de ce stage enrichie et déterminée à m’engager comme vous le faites, pour plus d’ouverture et de rencontre dans nos vies !