Entretien avec Vianney, récit d’un voyage à la rencontre des personnes & à l’encontre des préjugés


PEUX-TU TE PRÉSENTER EN QUELQUES MOTS ?

Je m’appelle Vianney. J’ai 26 ans. En ce moment, je suis écrivain et aventurier. J’ai entrepris un voyage de 80 jours, au départ de la France jusqu’en Asie centrale, traversant chaque pays en stop et en dormant chez l’habitant. J’ai publié un livre « Steppe by steppe » (Flammarion), sorti en janvier 2024, qui relate cette grande aventure humaine.

Comment est né ce défi : rejoindre les steppes d'Asie en stop et chez l'habitant ?

Je finissais mes études en école de management. C’était un moment de ma vie où je ressentais le besoin de sortir de ma zone de confort, de couper radicalement avec ma routine. J’avais ce projet de partir vers l’Asie centrale, une région qui m’était totalement inconnue. On entend très peu parler de tous ces pays en « stan » : Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan…

Je me suis d’abord lancer le défi d’y aller sans utiliser l’avion, de manière éco-responsable et dans une démarche d’aventure, de rencontre avec l’autre. C’est là que m’est venue l’idée de partir en stop. C’était le meilleur moyen pour oser aller vers les autres, étant moi-même quelqu’un d’introverti. En plus de voyager en stop, je me suis lancé un second défi : loger essentiellement chez l’habitant, et pas dans des auberges ni dans des hôtels. J’avais quand même une tente si je ne parvenais pas à trouver une famille d’accueil pour la nuit. C’était donc avant tout un voyage fondé sur les rencontres, sur l’expérience de l’hospitalité.

 

Quels liens fais-tu entre la mission de JRS France et ce voyage ?

Pendant ce voyage, j’étais moi-même une personne à la rue, sans toit, même si j’avais le confort de savoir qu’un « chez moi » m’attendait après cette aventure. Plus de 50 familles ont accepté de m’accueillir tout au long de mon périple. Cela avait donc du sens pour moi de reverser à JRS France tout l’argent économisé en faisant l’expérience de l’hospitalité, plutôt que de dormir dans des auberges et des hôtels. JRS France est une association qui propose d’héberger des personnes exilées qui se retrouvent à la rue, faute de place dans le Dispositif National d’Accueil. C’était ainsi une manière de rendre une toute petite partie de ce que j’avais moi-même reçu à travers cette expérience de l’accueil. 

Tu as traversé 17 pays en 80 jours. Peux-tu nous expliquer les différentes étapes de ce voyage ?

J’étais vraiment libre sur le parcours. Je me suis laissé porter par les rencontres, les évènements, les envies du moment. 

Pour des raisons géopolitiques, je n’avais aucun moyen de continuer en stop pour quitter la Géorgie, limitrophe avec l’Arménie, la Russie et l’Azerbaïdjan et proche de l’Iran. J’ai dû faire une exception à ce moment-là et prendre un petit avion qui m’a emmené au Kazakhstan.

 


Tu parles d’une « expérience transformatrice ». Quels enseignements tires-tu de cette aventure ?

J’ai vraiment perçu ce voyage comme un cheminement intérieur, une quête vers l’autre pour saisir un peu l’humanité. J’en retire cette bonté, cet altruisme dont j’ai bénéficié tout au long du chemin. J’avais peur de déranger au début du voyage. Mais plus j’avançais dans mon aventure, plus je réalisais que, non seulement je ne dérangeais pas, mais que parfois, je pouvais apporter quelque chose aux personnes qui m’accueillaient : une oreille attentive pendant une soirée ou l’occasion de pouvoir échanger, discuter. Je ressentais la joie de l’autre à accueillir aussi.

Ces rencontres m’ont aussi fait beaucoup cheminer dans ma foi et dans mes questionnements sur le monde, sur les défis sociétaux, écologiques, géopolitiques qu’il reste à résoudre. Ce sont toutes ces réflexions que je raconte dans le livre. « Steppe by steppe » n’est pas un récit sur moi mais un récit sur les rencontres, avec des messages d’ouverture face à la différence et d’empathie pour les personnes qui ont eu moins de chance que nous dans la vie.

 

Une rencontre inspirante ?

La rencontre avec Britt m’a particulièrement marquée. Elle m’a accueillie à Tbilissi, la capitale de la Géorgie. C’était une banlieue très populaire. Quand je suis arrivée chez Brit, elle m’a tout de suite proposé du thé et cuisiné un repas. Elle s’est intéressée à moi, m’a demandé si je voulais prendre une douche et laver mon linge. Elle m’a même proposé de recoudre tous mes vêtements car elle est couturière. C’était incroyable cette gentillesse ! Je lui ai demandé pourquoi elle était si attentionnée car elle ne me devait rien. Je n’avais rien à offrir (mise à part des petites Tour Eiffel en porte-clef que je donnais tout au long du voyage !). Elle m’a dit : « Si mon fils voyageait comme tu voyages en ce moment, j’aimerais qu’il soit reçu comme moi je te reçois en ce moment ».

Un pays coup de cœur ?

La Géorgie ! C’est un pays assez petit mais extrêmement riche et diversifié par ses paysages. Il y a des lacs, des montagnes au nord, des vignobles, la mer, du désert… J’ai beaucoup apprécié toutes les rencontres que j’ai pu y faire. Une amie m’a emmené trois jours en trek dans le Caucase, à plus de 3 500 mètres d’altitude, un challenge que je n’aurais jamais osé entreprendre seul.

As-tu rencontré des difficultés durant cette aventure ?

Je me suis fait bannir de Turquie pour deux ans ! Arrivé au poste-frontière de Sarp en Turquie pour rejoindre la Géorgie, les policiers ne trouvaient pas le tampon sur mon passeport prouvant que je suis entré légalement dans le pays. Avec la fatigue, j’ai dû oublier de le faire tamponner en arrivant en Turquie et ayant traversé la frontière en stop dans un camion. Les agents me prenaient donc comme un migrant arrivé illégalement dans le pays. Je devais retourner de nouveau à la frontière gréco-turque pour faire valider mon passeport. Cela m’avait déjà pris deux semaines à traverser toute la Turquie qui est immense ! Cet aller-retour m’aurait fait perdre un mois de plus. J’ai cru que c’était la fin de mon aventure… 

J’ai finalement choisi de tenter ma chance à un autre poste-frontière situé plus au nord. J’ai négocié de longues heures avec les policiers. La sanction initiale était 5 ans d’exclusion du territoire et environ 500 euros d’amende en monnaie turque ! Après des pourparlers compliqués, et aidé par un autre voyageur belgo-turc dans ces négociations, ils ont accepté de me laisser passer sans payer d’amende. Mais j’ai tout de même été banni 2 ans du pays !

 

J’y ai donc laissé quelques plumes ! Mais cette contrepartie m’a permis de poursuivre le voyage et d’aborder la suite comme du bonus. Tout aurait pu s’arrêter à la frontière turque finalement…


Un prochain défi en tête ?

J’ai plein d’idées mais je n’en parle pas trop encore parce que ce ne sera pas pour tout de suite. J’ai besoin d’un peu de temps pour faire mûrir ces nouveaux projets et voyages à venir.

Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui souhaitent partir à l’aventure comme toi ?

Je vous conseille de bien prendre le temps de faire mûrir le projet, de se renseigner et de s’inspirer de personnes qui ont fait des expériences similaires. Puis, de se lancer sans trop se poser de questions. Les solutions viennent aussi pendant le voyage. Il n’y a pas forcément besoin d’avoir toutes les réponses avant de partir. Je dirai juste d’y aller, tout simplement !

 

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