Interview de Haydar, en juin 2012.
Comment ton histoire parisienne commence ?
Le 24 septembre 2010, après des mois de voyage, j’arrive à Paris. Ne sachant pas comment m’y prendre pour déposer ma demande d’asile, je cherche des renseignements auprès des jeunes de mon pays. Comme eux, je passe les premiers jours entre le métro et un parc. Un matin – je dormais sur un banc – je suis approché par un homme âgé. Il me pose quelques questions et, puisque je ne parle pas un mot de français, il me propose de me l’enseigner. Le jour suivant, il revient avec un cahier, un crayon et on commence, comme ça, dans le parc. Je progresse vite, je lui fais comprendre que j’ai très envie d’apprendre, car je ne puis revenir dans mon pays et il me faut vivre ici. « Alors, tu dois aller à l’école » – me dit-il. J’accepte très volontiers et trois mois plus tard je commence à suivre des cours, presque tous les jours.
Comment te sentais-tu à l’époque ?
En fait, je n’allais pas bien, sauf quand j’étais en classe, parce que là je ne pensais plus à ma famille, toujours en danger, et aux souffrances que j’avais endurées. A l’école, je me concentrais sur les mots, je riais avec les professeurs, le temps passait vite et j’avais l’impression que enfin quelque chose de positif recommençait à se passer dans ma vie. Mais dès que je sortais de l’école, la douleur et la tristesse revenaient.
Comment es-tu arrivé à Welcome JRS ?
En décembre, il commençait à faire froid, il pleuvait, j’étais malade et le matin j’étais très fatigué pendant les cours. Un professeur m’a dit « je te prends chez moi, mais juste quelques jours pour que tu guérisses, car après ma famille va me rendre visite ». Noël approchait, il ne savait plus quoi faire, alors il a appelé le JRS : le 24 nous avons été reçus et le soir je suis entré dans une communauté jésuite.
Tu es resté plusieurs mois dans le réseau d’accueil. Que voudrais-tu dire ?
Tout d’abord, qu’il est très important de vivre avec des français. Il me semblait chaque soir que j’avais vécu des choses incompréhensibles dans la ville : en rentrant, je pouvais en parler, demander des explications et saisir enfin ce qui s’était réellement passé, et pourquoi. Puis, je me sentais attendu. Le premier accueil est toujours un peu difficile, car on a l’impression de gêner et l’on ne sait ni de quoi parler ni comment le dire et on voit que les personnes qui vous accueillent font beaucoup d’efforts, et on est encore plus gênés. Puis, ça devient plus facile et on est vraiment content et on se dit que ceux qui vont directement à l’hôtel après la rue, sans passer par des familles, ne comprendront jamais rien à la France. Ensuite, comme je le disais, dès que je me retrouvais seul c’était comme si j’étais encore au pays, avec toutes les craintes et la douleur qui ressurgissaient. Etre en famille m’aidait à me concentrer sur des personnes, des mots, des choses, à être vraiment présent. J’aimer surtout pouvoir aider, me rendre utile.
Cela n’a pas été trop dur après 5 mois de quitter le réseau et de te retrouver seul à l’hôtel ?
Oui et non. D’abord, c’était normal. Puis, désormais, j’avais appris à me débrouiller tout seul et j’avais de très bons liens avec mes familles d’accueil et JRS, donc je n’étais pas vraiment isolé et j’étais heureux de ne dépendre plus de personne !
Que penses-tu de la durée des séjours. Un mois n’est-il pas trop court ?
Pour moi, un mois passait très vite, mais peut être pas pour la famille… Ce qui est dommage, c’est que l’on part quand on commence à s’habituer. Mais chaque personne est différente, il y en a pour qui pouvoir s’habituer est un bien, d’autres à qui cela fait du mal.
Que voudrais-tu dire à ceux qui te lisent ?
Que la semaine dernière j’ai eu mon statut de réfugié et que je pense que sans JRS et l’école et les familles je ne serais sans doute pas là. Que vivre avec des familles, même si on semble un peu timides ou préoccupés, nous fait le plus grand bien, nous donne de l’espoir et de l’énergie. Merci !