Notre réseau JRS Europe a appelé les dirigeants européens, à la veille du Conseil européen du vendredi 17 octobre, à agir selon ses valeurs fondatrices en protégeant celles et ceux qui fuient persécution et violence, pour rendre à l’Europe son humanité.
Le 17 ocotobre 2024,
Chers chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne,
Il y a 25 ans jour pour jour, vos prédécesseurs s’engageaient à construire ensemble « une union de liberté, de sécurité et de justice », dans les conclusions du Conseil européen de Tampere. Ils se sont engagés à le faire à travers des politiques communes, fondées sur nos valeurs partagées : dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, primauté du droit et respect des droits humains. Depuis, eux et leurs successeurs ont œuvré pour harmoniser ensemble la manière dont nous assurons protection et respect des droits humains pour celles et ceux qui fuient la violence et les persécutions.
Maintenir des standards aussi élevés n’est pas chose facile. Cela exige du courage et de la détermination, surtout lorsque notre environnement semble se complexifier.
Ces dernières années, nous avons observé un affaiblissement inquiétant de cet engagement. Et les évènements récents sont particulièrement préoccupants. Au JRS, nous avons exprimé notre opposition au Pacte sur la Migration et l’Asile récemment adopté. Ce Pacte favorise la détention et la ségrégation aux frontières extérieures de l’UE des personnes cherchant protection. Il permet également de nombreuses dérogations nationales aux politiques communes en période de prétendue « crise » et encourage la délégation de la responsabilité de protection à des pays extérieurs à l’Union européenne.
Ces décisions commencent déjà à porter leurs fruits amers. De plus en plus d’États membres annoncent des changements dans leur législation nationale, s’éloignant ainsi du cadre juridique commun de l’UE. En ordre dispersé, les Pays-Bas demandent une dérogation aux traités européens concernant le droit d’asile, l’Allemagne ré-instaure des contrôles frontaliers internes, l’Italie cherche à transférer des personnes secourues en mer vers un centre de détention hors de l’UE, en Albanie. Par ailleurs, nous constatons que les fonds européens, mal investis dans certains pays tiers, contribuent à de graves violations des droits humains, comme dans les centres de rétention en Turquie.
Parallèlement, les gouvernements continuent de chercher des moyens de maintenir les migrants à distance ou de les renvoyer avant même qu’ils ne mettent pied en Europe. La proposition de « centres de retour » dans des pays tiers, en plus d’être éthiquement discutable, pose de sérieuses questions quant à sa faisabilité.
À mesure que la défense de nos valeurs communes s’érode, l’injustice et la souffrance s’aggravent. Au JRS, nous en sommes témoins quotidiennement : en écoutant les personnes en détention, en soutenant celles qui sont laissées sans ressources ni accueil, et en accompagnant celles dont la demande d’asile a été injustement rejetée. Cela alors même qu’aucune des mesures évoquées n’a réellement permis d’empêcher les personnes de migrer vers l’Europe pour y chercher refuge.
La réponse généreuse et unanime de l’UE face au déplacement de la population ukrainienne a prouvé ce que nous sommes capables d’accomplir lorsque nous agissons ensemble et conformément à nos valeurs. L’Union européenne peut encore changer de cap et choisir, sans équivoque, d’agir selon ses valeurs fondatrices.
Vous pouvez choisir d’œuvrer collectivement pour garantir des voies sûres et légales aux personnes fuyant la violence et les persécutions.
Vous pouvez choisir de rechercher activement et de secourir les personnes en mer, et de les conduire vers le port sûr le plus proche en Europe.
Vous pouvez choisir de respecter le droit à la liberté de toute personne et de refuser la détention administrative comme un mal nécessaire.
Vous pouvez choisir l’hospitalité et l’accompagnement des personnes dès leur arrivée, et de créer des modèles d’accueil qui permettent la rencontre avec les communautés locales.
Vous pouvez choisir de bâtir des accords significatifs avec les pays tiers, axés véritablement sur leur développement, sans en faire des exécutants satellites des politiques inhumaines de l’UE.
À l’approche de ce Conseil européen, nous vous demandons de croire en nos valeurs communes et de faire le choix de rendre à l’Europe son humanité.
Signataires :
Le réseau JRS Europe est constitué de JRS Autriche, JRS Belgique, JRS France, JRS Allemagne, JRS Grèce, JRS Hongrie, JRS Irlande, JRS Italie, JRS Luxembourg, JRS Malte, JRS Pologne, JRS Portugal, JRS Roumanie, JRS Slovénie, JRS Europe du Sud-Est (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine, Serbie), JRS Espagne, JRS Suisse, JRS Royaume-Uni, JRS Ukraine et le bureau régional situé à Bruxelles.