A travers les gestes très simples de l’ouverture de la porte, du sourire et des paroles accueillantes, du temps offert à la conversation, du repas partagé, de l’intérêt porté à quelqu’un de très différent, ceux et celles qui accueillent les demandeurs d’asile dans le réseau Welcome de JRS donnent corps concrètement à l’hospitalité. Expérience mutuellement partagée, si tant est que, souvent, on se retrouve soi-même «accueilli» par la personne que l’on accueille, dans ce qu’on est, tout simplement.
Initiative des personnes, certes, pratiques d’accueil dans le cadre familial ou communautaire : l’hospitalité ne s’offre pas très visiblement dans l’espace public. Pour autant, il n’est pas possible de la réduire à une vertu privée, comme certains voudraient le penser. Car l’hospitalité nous différencie dans l’espace social, et du coup provoque des débats dans l’espace public. Et puis accueillir nous transforme peu à peu, on se sent capable d’une autre parole – d’un autre vote peut-être ! -, et nous sentons bien que cette expérience fait disparaître la peur qui peut figer ou obnubiler l’opinion publique vis-à-vis des réfugiés. Sans compter que l’hospitalité est un premier pas dans l’aventure de l’intégration. L’hospitalité a des effets sociaux et politiques. Vertu politique, alors ?
L’hospitalité est-elle compatible avec les lois qui sont les nôtres ? Les débats autour du délit de solidarité sont révélateurs à ce sujet. La loi s’est efforcée, en effet, de criminaliser – lourdement – les pratiques de solidarité, voire d’hospitalité, sous prétexte qu’elles étaient contradictoires avec les choix des politiques migratoires. Quelque chose en nous a résisté fortement devant une telle stratégie. Où est la vraie question ? En fait, l’hospitalité ne peut être le fondement des lois, en tant qu’elle part d’une initiative gratuite sur laquelle la loi ne peut avoir d’emprise. On doit bien sûr espérer que les lois offrent des conditions où l’hospitalité ne soit pas impossible – comme par exemple le grand principe de liberté de circulation par où l’Europe a commencé de se construire. Mais, en fait, l’hospitalité est comme un petit caillou dans la grande chaussure des lois et directives : elle dérange, quand la chaussure ne convient pas ! Alors, oui, l’hospitalité est bien une vertu politique ! Ou encore : l’hospitalité comble un tout petit peu le fossé, ne change pas le système en place, mais met au défi la violence du pouvoir.