Comment se vit l’accompagnement dans le réseau JRS Welcome ? Hélène de Tersant, bénévole de JRS Paris, a accepté de réfléchir à son expérience, et de nous en parler. Le rôle d’accompagnateur ? Un rôle d’ami, de marcheur avec…
J’ai accepté d’accompagnatrice pour Welcome, après m’être posée quelques questions sur ces futures rencontres avec un demandeur d’asile. Toutefois l’accueilli ayant besoin de parler, d’avoir des contacts d’amitié ou d’accueil sans en attendre de contrepartie, cette démarche m’a rapidement paru aller bien au delà d’une entraide mais être du ressort de l’amitié.
Ce n’était pas la première fois que je côtoyais des demandeurs d’asile en ayant déjà rencontré mais il y a de nombreuses années, mais surtout, c’est la première fois que je les rencontrais si démunis face à notre monde moderne, à notre quotidien de communication et de déplacement faciles. La plus grande difficulté pour nous européens c’est lorsque nous ne pouvons pas communiquer à cause de la barrière de la langue. Parfois le demandeur d’asile ne se sent pas assez en confiance ou pas assez bien physiquement ou a du mal à apprendre notre langue, à se souvenir de notions d’anglais et alors tout devient difficile. Heureusement il y a d’autres moyens, l’amitié, le partage, l’aide, l’échange.
En effet, le rôle d’accompagnateur est de faciliter les liens avec la famille d’accueil, de vérifier la réalisation des démarches administratives, voir d’accompagner lors d’une démarche officielle ( SPADA, préfecture..). Mais surtout, il doit permettre de mettre en confiance, de montrer que beaucoup de choses sont possibles.
Je commence souvent par une visite au supermarché en nommant les produits et en faisant quelques courses de nourriture, en allant dans un café et faire choisir l’accueilli. Que veux tu? Choisir si l’on veut un café un coca ou un fanta c’est prendre une décision personnelle, c’est possible et important. Un petit geste qui ouvrira des perspectives. L’accompagnement c’est être traducteur, c’est aller boire un café, se promener dans un jardin (musée Rodin), faire une balade, aller au Louvre (entrée gratuite), suivre les matches de foot…
Evidement ensuite il faut rappeler les rendez-vous, les cours de français, les adresses des centres Emmaüs de la Croix rouge,des restos du Coeur……
Il s’agit d’aider à décrypter les usages communs en France (la politesse, la tenue) , les relations entre les personnes (relations hommes femmes, les relations dans la famille, avec les amis….), les vacances, les études de français. Les promenades ou le sport sont une aide pour découvrir l’autre s’il décide de s’ouvrir mais parfois il est replié sur ses propres problèmes. Il faut essayer plusieurs pistes, avant de trouver la porte d’entrée d’une personnalité. C’est à l’amitié offerte que l’autre va répondre. Ensuite certains restent en contact plus au moins proche amicaux ou affectueux, d’autres prendront leur envol.
Lorsque nous l’accompagnons il est encore souvent dans la phase nostalgique de l’abandon de sa vie passée, sans vouloir perdre son histoire et son identité et en même temps il va lui falloir construire un avenir très différent de sa vie d’avant et souvent très différent de ses rêves. La phase d’attente de ses démarches administratives est longue et l’avenir lui paraît encore difficile ( c’est son mot favori) et incertain. Il faut pourtant qu’il comprenne qu’il doit avoir des projets même s’il en change plus tard, et il en changera plusieurs fois. Le rôle d’accompagnateurs est de l’encourager à se mettre en mouvement.
Je ne pourrais rajouter que des banalités sur les monde des migrants, un monde dur solitaire ou solidaire très différents selon les pays d’origine. Derrière tout migrant, derrière tout demandeur d’asile, il y un homme une femme un ami, une amie … A nous de le découvrir, de faire un petit pas pour le faire éclore. Car il faut aider par des encouragements le demandeur à comprendre qu’il aura son avenir à construire ici.
Il ne faut pas essayer de prendre la place de l’accompagné et de lui dire : tu dois faire ci ou ça. Cela ne marcherai pas de toute façon pour lui. Le rôle de l’accompagnateur tel que je le conçois est un rôle d’ami, de marcheur avec si je peux inventer l’expression, un peu en retrait mais encourageant dans les démarches , les réflexions, les peines aussi sans pour autant prendre en charge. Il ne faut surtout pas infantiliser, substituer une relation qui ne serait pas la bonne. Ils ont droit à leurs expériences, à leur chemin. Nous les accompagnons un petit moment sans oublier qu’ils sont nomades.
La relation à engager est une relation d’amitié et de confiance en sachant qu’ils ne racontent pas vraiment leur propre histoire et qu’il n’y dans cette relation pas d’exigence de vérité. Peut être un jour ils raconteront leur histoire ou parlerons de leur famille. Cela m’est arrivé, mais il faut respecter leur jardin secret.
Les familles d’accueil attendent un lien dès le départ, une présentation de l’accueilli et se sentent rassurées par le relai que représente le tuteur. Elles sont beaucoup plus proches de l’accueilli et ont besoin de cette aide en retrait en cas de petites incompréhensions. Surtout elles ne n’ont pas en plus à s’assurer que l’accueilli accompli bien ses démarches administratives, va chercher son courrier répond à ses convocations, va voir son assistante sociale……C’est un autre aspect de l’accompagnement.
Pour finir, je dirais que je n’ai pas découvert toutes mes motivations pour me lancer dans cette rencontre mais je sais que j’ai découvert des trésors de confiance et d’amitié. Je prépare chaque rencontre puis pense à la suivante. La richesse de l’amitié vient de la découverte de l’autre et de sa différence. Il faut se lancer dans cette démarche ou aventure de vie qui est passionnante , pose des jalons. De toute façon JRS Welcome est un réseau qui se retrouve régulièrement et parle de ses questions, expériences, et relations, un réseau sur lequel s’appuyer en confiance, car les petits problèmes rencontrés ont peut-être déjà trouvé une solution.
Il y a bien réciprocité de l’échange, durée de l’amitié, également, car on se retrouve plus tard dans l’année ou l’année suivante à une réunion de JRS.