LE RAPPORT DU HCR SUR L’HÉBERGEMENT CITOYEN : DÉCRYPTAGE

Le 15 février 2024, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a publié un rapport sur l’hébergement citoyen des Ukrainiens en France. Avec la mobilisation exceptionnelle de la société civile pour accueillir chez soi les réfugiés, la question de l’hébergement citoyen est devenue un sujet politique immédiat et d’avenir, comme le souligne le rapport. Quelles en sont les conclusions et préconisations ? Quels enseignements pour JRS France ? Notre décryptage pour vous !

L'hébergement citoyen accompagné : une solution d'accueil étudiée par l'État

Le rapport du HCR analyse la manière dont les citoyens et les acteurs publics et privés ont œuvré pour offrir aux réfugiés d’Ukraine un hébergement en France. La guerre en Ukraine a provoqué le déplacement de plus de 6 millions de personnes dans le monde. L’hébergement citoyen, par son ampleur, a constitué une composante clé dans cette crise sans précédent : plus d’un réfugié ukrainien sur deux a été accueilli en hébergement citoyen en France. Pour la première fois, 17 000 réfugiés ont été accueillis par 7 000 foyers dans des dispositifs d’hébergement citoyen « accompagnés » par l’État (à différencier – dans la nomenclature du rapport HCR – des dispositifs d’hébergement citoyen « spontanés », non encadrés).

Dans un contexte où le nombre de personnes déplacées par force dans le monde ne cesse d’augmenter (114 millions en 2023) et où demandeurs d’asile et réfugiés n’ont pas tous accès à des solutions d’hébergement ou de logement adaptés, le rapport du HCR fait le point sur le potentiel de l’hébergement citoyen « accompagné » comme réponse possible aux défis posés par l’accueil des réfugiés, quel que soit leur pays d’origine.  


« Nous espérons que les enseignements présentés dans cette étude seront utiles pour développer davantage encore des formes adaptées d’hébergement citoyen en faveur des demandeurs d’asile et réfugiés, quel que soit leur pays d’origine. »


« L’objectif de l’étude est in fine de saisir un des enseignements de la crise ukrainienne, à savoir le recours à grande échelle à l’hébergement citoyen, pour proposer un dispositif qui ferait de cette participation citoyenne un élément intégré à la politique publique d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile et bénéficiaires de la protection internationale. »


Les 5 recommandations

Dans le cadre de cette étude, le HCR formule plusieurs propositions :

1. La création d’une communauté d’hébergeurs citoyens encadrée par l’État. Cela impliquerait de définir le volume de cette communauté et le besoin auquel il répond.

2. Un dispositif fondé sur une relation tripartite et conventionnée entre hébergeurs, hébergés et l’association référente. Ce conventionnement devrait notamment fixer la durée de l’accueil, les engagements réciproques et les responsabilités des parties. L’association référente jouerait un rôle d’intermédiaire en assurant la bonne mise en œuvre des engagements de chacun.

3. Un cadre d’action basé sur 4 principes structurants : un dispositif volontaire, temporaire, accompagné et territorialisé. L’hébergement citoyen resterait ainsi une manifestation concrète de solidarité et ne devrait pas se substituer aux obligations de l’Etat en matière d’accueil et d’accompagnement. Le rapport souligne la nécessité d’un délai d’accueil fixé préalablement, d’un accompagnement des hébergeurs (social, potentiellement financier..) et d’une prise en charge adaptée aux spécificités des territoires.

4. L’importance de l’accompagnement des personnes hébergées et des hébergeurs. Des associations référentes doivent être sélectionnées et les hébergeurs doivent bénéficier d’une formation. La sortie de l’hébergement citoyen doit être préparée et accompagnée d’une « solution adaptée ». La responsabilité de l’État et de l’association référente est d’éviter toute situation de rupture d’hébergement et d’accompagnement.

5. Une promotion de la médiation interculturelle, à toutes les étapes. Le rapport préconise le déploiement de programmes d’intermédiation culturelle à toutes les étapes de l’accompagnement des personnes accueillies, notamment la mise en place « d’une plateforme internet de qualité contenant des informations complètes, adaptées et accessibles sur le fonctionnement du système national dans la langue des personnes concernées et consultable à toute heure ».


JRS France auditionné

En tant que « acteur historique de l’hébergement citoyen », comme le souligne le rapport, JRS France a été auditionné par les auteurs. Il nous a semblé important de partager nos bonnes pratiques d’accueil fondées sur des années d’expérience. Un certain nombre d’entre elles sont reprises et soulignées dans ce rapport, parmi lesquelles : 

un accueil individualisé indispensable à un accompagnement de qualité ;

l’importance d’écouter les attentes des accueillants et des accueillis en amont de l’accueil et de bien discerner les accueils ;

la nécessité d’un cadre précis et structuré notamment sur la durée de l’accueil.

Dans le cadre de la table-ronde organisée à l’Assemblée nationale à l’occasion de la sortie du rapport, JRS France a eu l’occasion d’insister notamment sur les points suivants :

1. L’hébergement citoyen n’est pas simplement un « dispositif »

L’hébergement citoyen, ne peut être conçu exclusivement comme un « dispositif » qu’on évalue (en termes quantitatifs, d’efficacité, d’utilité, de résultats attendus). C’est évidemment important, mais ne permet que très imparfaitement de percevoir ou rendre compte de ce qui nous semble pourtant premier, c’est-à-dire ce qui est vécu par les parties prenantes : la joie de la rencontre, la fierté de l’accueil, les trésors mais aussi les difficultés des relations interculturelles, etc.

2. La question de l’articulation entre les associations qui organisent l’hébergement citoyen et les pouvoirs publics mérite d’être approfondie dès lors qu’il s’agit d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des personnes accueillies mais certains points de vigilance doivent être rappelés, parmi lesquels : 

Il ne peut s’agir d’une solution de substitution à moindre coût pour l’État face à la pénurie de moyens ou d’hébergement de l’État : vigilance à garder un engagement déterminé de l’État à dimensionner le dispositif d’accueil sans se reposer sur l’hébergement citoyen.

– L’hébergement citoyen n’est pas une solution « magique » de grande ampleur quantitative, sauf à mettre en risque les acteurs ; elle n’est n’est pas non plus une solution structurelle mais elle est forcément temporaire, dans un parcours de reconnaissance.

– Encourager l’hébergement citoyen implique de se pencher sur la relation souvent malaisée entre l’État et les hébergeurs citoyens et de changer le discours public sur l’étranger en s’appuyant sur l’expérience de l’hospitalité citoyenne.

– Le modèle « opérateur » de l’État (à l’instar des structures d’hébergement collectif) sous forme de délégation de service public n’est pas adapté pour l’hébergement citoyen. Le mobile des hébergeurs n’est pas d’être rémunérés pour ce qu’ils font.

 

La réflexion sur les articulations entre l’hospitalité citoyenne telle qu’elle est pratiquée dans notre réseau et l’action des pouvoirs publics va se poursuivre dans les prochains mois et nous aurons l’occasion de partager nos réflexions, convictions pour avancer ensemble sur ce sujet.

 
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