Depuis 2014, la famille d’Anna accueille et héberge des demandeurs d’asile par l’antenne de JRS Orléans. Elle témoignage aujourd’hui sur ces expérience.
Je m’appelle Anna et j’ai 16 ans. Mes parents ont rejoint l’antenne JRS Welcome d’Orléans début 2014 avec pour volonté d’ouvrir notre famille à une réalité méconnue (ou plus exactement mal connue) de la plupart des foyers français et de faire partager notre style de vie à de (parfaits) étrangers, pour que chacun en ressorte grandi.
Pour mes parents, il était nécessaire de nous demander notre avis (à mon frère Timothé, 7 ans à l’époque, et à moi-même 9 ans) pour que cet accueil soit une démarche familiale, désirée par tous.
Au début, j’ai trouvé un peu inquiétante l’idée que quelqu’un que nous ne connaissions pas vienne s’installer dans notre maison pour quelques semaines. Je ne comprenais pas trop pourquoi des gens avaient besoin d’être accueillis, pourquoi ils avaient quitté leurs maisons à eux, ni pourquoi mes parents répétaient que ça allait être une « belle et enrichissante » expérience. Après en avoir longuement parlé ensemble, nous avons accepté et c’était le début de l’aventure JRS Welcome.
Les enfants ont souvent pour talent de créer du lien facilement, de détendre une atmosphère qui peut paraître un peu gênante. Quand Aimé, le premier accueilli par notre famille, est arrivé, nous ne sommes pas restés timides très longtemps : il nous a appris des jeux, fait découvrir des plats, il rigolait beaucoup… Ces rires et ces jeux ont sûrement aidé à mettre du lien entre nous tous, et notre présence l’a peut-être aidé à trouver sa place dans notre famille.
Tous les accueils ne se sont pas déroulés comme celui d’Aimé, mais tous ont été porteurs de nouveaux rires, de nouvelles rencontres tandis que nous grandissions. Se forger soi-même entre des temps d’accueil et des temps seulement familiaux nous ont permis de développer une vision du monde, des migrations et de l’humain sûrement plus souple et plus ouverte que sans JRS Welcome. Étant de jeunes enfants, nous n’avions pas beaucoup de recul et assimilions inconsciemment « accueil dans notre famille » et « accueil sur le territoire français » : donc l’accueil de migrants sur le sol français devait être joyeux et enrichissant pour tous !
Je pense encore aujourd’hui que c’est ainsi que devrait être l’accueil, mais nous sommes tous conscients que la réalité est bien différente, et que beaucoup dorment dehors, sont très mal accueillis ou stigmatisés, et que le chemin pour réussir à trouver sa place est long. En grandissant au contact de ces demandeurs d’asiles souvent blessés physiquement et/ou psychologiquement, nous touchions aussi à une réalité beaucoup plus dure, nous permettant d’être en compassion et de voir les migrations avec « les pieds sur terre ».
Quitter son pays, arriver dans des familles, accueillir chez soi, voir des étrangers entrer chez soi : oui tout cela est dur. Mais la simplicité et le regard naturel et décomplexé de l’enfant y voit surtout énormément de joie et une belle occasion de grandir. Alors vivre cette expérience enfant et la garder en mémoire est une réelle chance pour devenir adulte citoyen demain. »