Nous étions, dans la nuit de mardi (24 août), à Roissy pour accueillir 260 personnes afghanes, rapatriées de Kabul, essentiellement des familles avec de nombreux enfants.
Au soutien de la Diair (Délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés), coordinatrice des opérations et du dispositif « Apagan« , notre équipe – composée de trois salariés et de trois acteurs afghans de JRS France – a aidé à accueillir, informer, orienter, soutenir les arrivants pour leurs premiers pas en France et à faire le lien avec les différents acteurs publics para-publics et associatifs mobilisés pour cette opération.
Dans un grand calme et une profonde dignité, les personnes évacuées de Kabul arrivent à 3 heures du matin
Moments d’émotion rares lorsqu’au seuil de l’aérogare, les premiers regards et mots de salutation sont échangés entre Khodadad (ancien accueilli de JRS Welcome à Paris) et ses compatriotes, femmes, hommes jeunes et moins jeunes et un grand nombre d’enfants en bas âge. Le drame n’est plus intermédié par des images, il est incarné par ces personnes azaras, pachtounes, tadjiks, dont les tenues traditionnelles, quand elles ne sont pas cachées par les couvertures qui les enroulent encore, tranchent au milieu des uniformes et gilets distinctifs des différents acteurs publics, para-publics et associatifs (pompiers, militaires, policiers, préfecture, OFII, SAMU, ARS, Croix Rouge, associations opératrices…) mobilisés pour les recevoir.
Avec l’accueil, s’initie un long parcours de plusieurs heures : contrôles sanitaires, administratifs et de sécurité, répartition entre les différentes associations hébergeuses avant de remonter dans des bus pour Grenoble (avec l’association Entraide Pierre Valdo), Lyon (Forum Réfugiés) ou la région parisienne (Aurore).
Notre rôle consiste à accueillir et informer les personnes sur ces différentes étapes, répondre à leurs questions et faire le lien avec les policiers, les services sanitaires, administratifs et les associations impliquées.
Cette mission de « facilitateurs » nous met en prise directe avec la singularité des situations individuelles (personnes déjà réfugiées retournées chercher leur famille ces dernières semaines, jeune mineur avec sa grande sœur majeure, familles entières sur trois générations, un jeune mineur non accompagné…), nous rend destinataires de confidences, entre attente, espoirs et angoisses – notamment pour les proches restés « là-bas » -, qui s’expriment souvent à demi-mots mais dans une confiance et une compréhension permises par la présence apaisante d’Hussein, Khodadad et Bilal qui assurent la traduction. Ces derniers reçoivent de nombreuses marques de gratitude de leurs compatriotes pour leur présence, et cela les touche au cœur.
J’ai dû partir très tôt de mon pays, j’accueille maintenant mon peuple ici. Je suis au milieu de lui, je l’aide; mon peuple me dit merci ; cela c’est si fort pour moi.
Khodadad
Un accueil humain et bienveillant
Tout n’est pas simple ; les tests Covid sont très longs, certaines situations administratives sont délicates à traiter, entrainant parfois ordres et contre-ordres ; les contrôles de sécurité impliquent de poser des questions, procéder à des vérifications, qui s’ajoutent à la fatigue de semaines éprouvantes, de l’attente de plusieurs jours pour certains à l’aéroport de Kaboul, l’avion, l’incertitude ; les conditions sont inconfortables (des sièges, quelques lits de camp, des boissons chaudes…).
Mais c’est bien la bienveillance et la patience qui prédominent entre les uns et les autres, et une attention aux personnes aussi. Consciemment ou non, chacun, dans l’exercice de sa mission (contrôle, test, visa, hébergement, enregistrement…) s’est mis en relation avec douceur, comme pour apporter un baume sur la douleur de nos hôtes.
Et l’on se prend à penser, que ce parcours de quelques heures dans l’aérogare préfigure un autre parcours, plus long encore, qui attend ces familles : celui de leur intégration en France ; et qui mobilisera les mêmes acteurs et d’autres, sur le temps long. Et combien il serait facilité et fécond, cet autre parcours, si nous conservions toutes et tous cette attitude et cette attention qui ont fait de cette nuit un moment à la hauteur de l’enjeu.