À un an des présidentielles, JRS France a publié un rapport « Bien accueillir les réfugiés et mieux les intégrer », avec le soutien de l’Association Nationale des Villes et Territoire Accueillants, les projets collectifs de Science Po, le Cnam et l’Icam. Nous proposons une série de recommandations aux pouvoirs publics sur l’accès effectif des demandeurs d’asile au marché du travail et aux formations.
Quelles clés pour une politique alliant droit et efficacité, harmonisée au niveau local et européen ?
Notre rapport, quelle visée ?
Notre rapport se fonde sur l’expérience de centaines de personnes engagées au sein des antennes de JRS France dans l’accompagnement des demandeurs d’asile et réfugiés pour leur offrir l’hospitalité, les aider à accéder à des cours de français, s’inscrire à des formations, trouver un travail….
Nous ne sommes pas des experts, ni des spécialistes des politiques publiques d’intégration. En revanche, nous sommes des témoins privilégiés des difficultés auxquelles sont confrontés les demandeurs d’asile et les réfugiés que nous accompagnons, lorsqu’il s’agit de trouver des cours pour apprendre le français, d’accéder à une formation, de voir reconnaître ses compétences, de trouver un emploi.
Ce sont les difficultés et blocages, comme les solutions créatives imaginées et mises en œuvre, souvent au cas par cas, en partant des besoins des personnes, qui nourrissent nos recommandations.
La confrontation quotidienne aux enjeux humains qui se jouent dans l’accueil et l’intégration des personnes que nous accompagnons nous oblige. Cela nous pousse à agir de façon plus systématique pour analyser les blocages récurrents, tenter de les surmonter, et proposer des pistes d’améliorations structurelles.
C’est dans cette perspective que JRS Plaidoyer a engagé des études pour analyser les voies de droit et comparer les pratiques au niveau européen, avec l’aide notamment des projets collectifs Sciences Po.
Notre rapport et nos recommandations sont aussi irrigués par quelques convictions fortes : lorsqu’on parle de politiques publiques, d’accueil, d’intégration, c’est avant tout de femmes et d’hommes qu’il s’agit. Nous souhaitons rappeler la dignité inaliénable de chaque personne et l’importance de mettre la femme et l’homme au centre des décisions politiques.
C’est le moment d’en parler !
Nous sommes dans un contexte marqué par de profonds bouleversements : la crise du COVID a bousculé bien des certitudes et habitudes ; en même temps cette situation nous convoque à réfléchir sur les leçons à tirer de la situation et sur les choix que nous voulons poser, individuellement et collectivement, sur nos actions pour construire l’avenir.
2021 marque les 70 ans de la Convention de Genève et le fondement du droit d’asile. Il est intéressant de la relire pour mesurer combien son esprit est aujourd’hui remis en cause : de réfugiés présumés qu’il convient d’accueillir et à qui la protection est due jusqu’à ce qu’il soit statué sur le bien-fondé de leur demande, les demandeurs d’asile sont progressivement passés au statut de déboutés en puissance.
À titre illustratif de ce mouvement, 2021 est aussi le 30ème anniversaire de la circulaire Cresson. Celle-ci a mis fin à l’accès au travail des demandeurs d’asile pendant toute leur procédure, au motif que beaucoup n’auraient pas vocation à obtenir la protection. Plus généralement, les politiques d’intégration mises en place en France ne commencent pas dès l’accueil, avec l’accompagnement vers l’autonomie des demandeurs d’asile. Ceux-ci sont laissés de côté pendant les longs mois (années bien souvent) de leur procédure, dont la durée moyenne n’a cessé d’augmenter.
Alors que la quasi-totalité des États de l’Union européenne a mis en place, ces dernières années, des mesures visant à donner aux demandeurs d’asile un accès effectif au travail, à l’apprentissage de la langue et aux formations, la France partage la dernière place avec la Hongrie pour l’absence d’accès effectif au marché du travail des demandeurs d’asile. Elle fait partie des 5 États (sur 23) qui leur refusent encore l’accès aux formations professionnelles et des 7 États (sur 23) qui n’ont pas de politique linguistique pour les demandeurs d’asile.
Au-delà de la situation des demandeurs d’asile, la France fait figure de mauvais élève en ce qui concerne le cadre législatif et réglementaire pour l’accès des réfugiés à l’emploi. Elle se situe, par exemple, juste derrière la Roumanie et la Lettonie, notamment en raison des restrictions d’accès persistantes à certaines professions (entre autre les fonctions non régaliennes de la fonction publique et les professions réglementées).
À 12 mois de la présidentielle, alors que des choix de sociétés vont être mis en débat, il nous a semblé nécessaire d’interroger cette situation et d’apporter notre contribution sur la question de l’accueil et de l’intégration des réfugiés.
Réussir l’accueil et l’intégration des réfugiés en France : nos propositions sur la valorisation des compétences, la formation et le travail
Notre rapport formule une trentaine de recommandations autour des objectifs suivants :
- mettre fin à la mauvaise exception française : permettre enfin l’accès effectif des demandeurs d’asile au marché du travail, aux formations professionnelles et aux cours de langue
Ceci passe notamment par une mise en conformité du droit français avec le droit européen pour l’accès au travail des demandeurs d’asile.
Dans la lignée du plaidoyer porté depuis plusieurs années par JRS France, le rapport appelle à la construction d’une véritable politique linguistique permettant l’apprentissage du français dès la demande d’asile.
- faire évoluer le cadre juridique et administratif pour permettre le travail en synergie entre les différents acteurs de l’intégration
En s’appuyant sur des expériences réussies d’accompagnements et les bonnes pratiques au niveau européen et local, JRS France souhaite – entre autres recommandations :
– impliquer des employeurs et des professionnels dans la certification des compétences, pour faciliter et accélérer l’accès au travail des personnes réfugiées dans leur domaine de compétences.
– associer davantage les différents ministères à la mission d’intégration de l’Etat aujourd’hui conduite par l’OFII (Ministères de la culture, de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports, du travail et de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la santé)
– favoriser les interactions entre les collectivités et les services de l’État
- ouvrir davantage les formations et les professions aux personnes réfugiées
Le rapport envisage plusieurs voies d’améliorations concrètes et, en particulier :
- la création d’un dispositif adapté et unifié pour l’évaluation et la reconnaissance de parcours professionnels informels avec la possibilité de reconnaissance partielle et de formation complémentaire pour obtenir un diplôme ;
- le développement et la généralisation de parcours « passerelle » pour les réfugiés dans la formation professionnelle (à l’instar de ce qui a déjà été mis en place dans l’enseignement supérieur), leur permettant d’accès aux formations professionnelles de droit commun ;
- l’établissement de parcours dans les professions réglementées en vue d’ouvrir des voies pour avancer vers l’emploi dans ces professions, en attendant l’obtention du diplôme ou du concours nécessaire, tout en travaillant et en acquérant les compétences nécessaires
- l’ouverture de la fonction publique (fonctions non régaliennes) aux réfugiés au même titre que pour les citoyens européens
Contact presse : Pauline Peigné – communication@www.jrsfrance.org